mercredi 17 mars 2010

L'hiver au trousse

Salut a tous!

Ca y est, j ai quitte la yougoslavie.
J aurai d abord vu le Kosovo, une des etapes decidees de longue date, un pays intriguant de loin, tres attachant de pres. Alors, sans vous faire un cours de geopolitique, quelques images resterons gravees. Une petite eglise orthodoxe taguee de lettre rouge, dans ce qui semble etre un terrain vague, protegee (ou enfermee) derriere des Barbeles. Loin des sentiers battus, un hammeau silencieux, quelques fermes en ruines, les autres desertes. Ou encore, dans un des rares bastions serbes que je traverserai, le regard haineux d un boulanger, qui refusera de me donner du pain tant que je lui demanderai en Albanais.
Mais au fond, malgre la pauvrete, malgre la plaie encore beante de la guerre, je ne peux m empecher de penser: il fait bon vivre au kosovo. Car ailleurs, ces autres villages, ces autres villes, vivantes, bouillonnantes. Sur le papier, le taux de chomage atteind 70%. Dans les faits, tout le monde s active. Des chantiers de briques rouges poussent partout, des restos, des bazars,... On panse la plaie a la truelle, sans beaucoup d organisation a priori, mais avec une energie assez incroyable.

Et il arrive un moment ou on pose le marteau, le jet d eau, l eponge, pour regarder passer ce drole de bonhomme. Une paire de lunette ronde, une casquette brune ecrasant une tignasse emmelee, un gros sac a dos ou est accroche un baton. On s etonne, se marre, pui on l appelle: "Viens! Viens voir par la! Qu est ce que tu fais? Tu as faim? Soif? Froid?". Moi ca va dis-je. Mais vous? Ca va mieux me dit on avec le sourire. Si on sait accueillir, on ne sais pas se plaindre. Pourtant, je leur en donnerai bien des raisons.
Ce bout de route me reconciliera meme avec les forces de l ordre. La KFOR d abord, cette force armee internationnale qui se tourne joyeusement les pouces (Des gardiens de la paix qui n ont rien a faire font a priori bien leur boulot, nan?) Et la police locale, qui ne viendra a moi que pour s inquieter de mon etat. Shemsodin, chef de la police de la ville de pozheran, m accueillera meme chez lui pour la nuit, dans une tres belle ambiance familiale.

Encourage par la population locale, je remonterai au Nord jusqu a Prishtina, la capitale. Arrivant en fin de journee aux abords de la ville, je trouverai refuge dans un chantier de la banlieue ouest, m offrant un bel apercu de la ville.
De loin, Prishtina n a rien d une ville. Un enorme village, ou plutot des dizaines de villages agglutines les uns aux autres, seules les grues venant jouer avec les hauteurs. La nuit venue, des pans entiers de la ville restent plonges dans la penombre. L ambiance est donnee.
Le lendemain, j accederai a la ville par l assourdissant boulevard Bill Clinton, du nom d un heros local. Puis le centre nevralgique, une avenue pavee reunissant sur 500metres l ensemble des institutions gouvernementales. Ici, la ville a tout d une jeune occidentale, si ce n est le Mc do. Mais la n est pas Prishtina.

En continuant ma route, suivant une foule toujours plus dense, j atterirai la ou je passerai la journee: Le grand bazar.
La, pas de brique ni beton, mais des dizaines de tentes collees les unes aux autres, tout au plus un toit en zinc. A ma droite, un vendeur de tabac fait sentir sa marchandise en ouvrant une touffe a pleine main. De l autre cote, des sugjuk, saucisses de boeuf au paprika, crepitent doucement sur les braises. Quatres vieux bonhomme degustent un verre de the noir en me devisageant d un air grave, tandis qu une femme me glisse une poignee de pistache dans la main en me souhaitant une bonne journee. Les allees se font a mesure plus etroite, plus bondes, les etales debordent de fruits, d epices, de machins, de bidules, un vieux transistore crache un air d accordeon, un homme, le visage crispe, fait avance une brouette charge d oeuf,
Ou suis-je? En europe parait il.

Je me baignerai allegrement dans toutes ces saveurs pour le reste de la journee, avant de quitter la ville par les hauteurs, vers l est. La ballade continuera encore un peu au kosovo avant que l hiver ne me rattrappe. A 60km de la frontiere avec la macedoine, la neige viendra finalement blanchir les vallons kosovar. Apres que je lui demande un coup de main, mon saint christophe m offrira encore 2 jours d accalmie afin que je rejoigne et visite Skopje, ville qui m apparaitra bien fade apres le kosovo. Puis au matin, un Blizzard de tous les diables. Me trainant difficilement jusqu a un vendeur de Burek, celui ci me dira en se marrant qu il y en avait pour la semaine. Depite, je lui commande une autre part de burek, au boeuf celle ci, avant de me decider a faire ce que je n avais pas encore vraiment fait depuis le debut: envoyer le pate.
Casquette et shapka bien en place, je planterai ce jour la 70km plein sud par la vallee, sans rien voir que du blanc. Puis, apres une journee de repos dans une grange abandonnee, a nouveau 70 bornes. Trois longues journees, qui me feront passe de la neige a la pluie sans que j apercoive les sommets
Avant d entree en Macedoine, ce nom evoquait avant tout pour moi une salade mayo. Maintenant, et malgre quelques belles rencontres, ce sera le symbole d un hiver long. Et de delicieux burek.

Mais le froid est maintenant derriere moi. Juste avant la frontiere grecque, a Gevgelija, je rencontrerai ce petit Papi sourd muet avec qui j aurai une jolie conversation mimee. Il m offrira un chapelet pour la route. Je lui donnerai mes gants et ma shapka pour conjurer le sort. Et en une journee, je passerai du the-burek aupres du poele a l Ouzo-feta au soleil. Voila 5 jours que je suis en grece, 5 jours qui me font dire que je serai bien ici. Et, non sans un pincement pour cette hiver balkanique, qui restera le plus froid et le plus incroyable de ma courte vie, je vais maintenant doucement me trainer jusqu a une plage perdu pour aller souhaiter la bienvenue au printemps.

La ballade continue (encore un peu...), pleins de bizous a tous

Matthieu