dimanche 28 février 2010

En chanson!

Salut a tous!

La route chante! je vous jures! Et elle me dit bien des choses.
En croatie, on chante son pays, ses cotes et ses merveilles a travers le klappa. Au montenegro, j ai decouvert avec quelques frayeurs le rock patriote, si populaire a travers la communaute serbe. On y parle d un empire serbe, qui demain retrouvera ses 3 mers et toute sa splendeur. On y parle du kosovo comme d une parcelle de son coeur, arrachee par la force.
Puis plus recemment les belles chansons d amours albanaises... Les femmes y disent toute la douleur d un amour a distance, les hommes promettent un retour prochain.

Je m en etais rendu compte depuis un petit moment, il y a peu de jeunes de mon age en albanie. Entre 20 et 30ans, beaucoup tentent leur chance ailleurs. On part a pied a travers les montagnes pour rejoindre la grece, ou en hors bord jusqu en Italie. Et si certains poussent l aventure jusqu en France, c est souvent pour aller jusqu a calais, cette succursale du paradis londonnien. L accueil n est, dit on, pas bon en France.
Alors ma ballade en laisse plus d un dans l incomprehension. Car si certains partent ainsi, c est pour obtenir peut etre le dixieme de ce que j ai laisse. Si le frere de Zef laissa derriere lui femme et enfants pour passer 5 ans a Athene, c etait pour mettre des fenetres a sa maison.

Aller, Refermons cette parenthese, j ai encore bien des raison de continuer ma route. J ai repris celle ci il y a 6 jours apres de beaux adieux avec ma famille de Shengjin. La neige ayant repris de plus belle dans les hauteurs, j ai decide de laisse tombe Tirana pour passer plus au nord par la basse montagne, vers le Kosovo.
Bien vite, les reflexes reviennent, avec une grande envie de marcher. Ma route serpente doucement dans les massifs, au milieu de petits villages eteints par la pluie. La chaleur, je la retrouve au bistrot, ou je ne suis jamais seul a ma table. Une ampoule arrive bien vite a la plante du pied, je chauffe ma lame, perce, vide, comprime. Les grosses averses, elles, passent souvent avec une chanson. Pas rouille le bonhomme!

Des le deuxieme jours neanmoins, je retrouve une surprise de taille que ma carte avait oublie de mentionner: une autoroute. Vide.
Je m y aventure a taton, je me mefie de ces betes la. Mais rien, pas une voiture, pas un bruit, si ce n est la pluie sur l asphalte.
Pendant un temps assez indeterminable, je marche la, en plein milieu de ce grand boulevard flambant neuf, s etant a priori fraye un chemin a travers les montagnes a grand coup de dynamite. Un panneau de limitaion de vitesse me sort de mes pensees, je ralentis d instinct avant de realiser que je suis sans doute loin des 110 autorises. Drole d ambiance.
Plus loin, des villages viennent me rassure, non je ne suis pas seule au monde. L autoroute se peuple, des tracteurs, des camions, des caleches circulent joyeusement dans les deux sens, independement du cote de la barriere. Quelques gamins se joignent a moi pour un bout de route.
Mehmet, lui, arpente avec son pick up la route de long en large, controlant les barrieres. Il sera mon ange gardien pendant les 2 jours passes sur cette drole d autoroute, m apportant de l eau, des fruits et meme une shapka polaire ultra tendance. C est aussi lui qui m en apprendra plus.

L autoroute A1 est un des projets phare du gouvernement albanais. 400 millions d euros pour relier Tirana au kosovo, premier pas, selon eux, vers la reunification de 2 nations albanaises.
Apres 1ans et demi de retard et pres de 1 milliards supplementaire, le chantier court toujours.
Au bout de la route, le clou du spectacle, un tunnel de 6km de long. Le chantier bas son plein a mon arrivee, un flic me bloque l acces. Il me presente gentillement mes 2 options, faire demi tour sur 70km ou prendre par la montagne. Voyant le massif enneige, et surtout pensant a mon sac de couchage encore trempe de la veille, j insiste gentillement pour voir un responsable. On me presente un vieille albanais tout sourire parlant anglais, qui entend avec joie mon histoire. Apres un coup de fil de rigueur a la direction, il me fait une fleur: une camionnette me fera traverser. Moi je veux marcher. Le chieur.
Alors pourquoi me demande t il? C est vrai ca pourquoi? Quel importance que 6km? Pourquoi se refuser un bus ou autre dans les moments de galere?
Je m etais deja pose la question, les pieds dans la neige ou en calecon au milieu d une route inonde. Voila a peu pres ce que je lui ai dit:
If I live long enough to have grandchildren, I d tell them: "you know, once, papi has been walking all the way to Istanbul"C est bateau hein? Et bien sachez qu il y a un fond de verite. Et que c est ce qui m a fait traverser. Apres un autre coup de fil a la direction, me voila equipe et escorte d un bout a l autre du tunnel!

Et de l autre cote... Le soleil... et le kosovo. Alors qu en est il de ce pays tout jeune, tiraille entre chanson et autoroute? A vrai dire, ca fait seulement 2 jours que j ai passe la frontiere.
Alors je ne sais pas. J ai pour l instant pris la direction du nord ouest, un peu au pif, mais bien decide a voir ce pays. Et pour l instant voila: beaucoup de sourire, beaucoup de main tendu, aucune ne veut prendre, toutes veulent donner. Alors moi aussi je souris, je remercie, je chante et je marche. C est a peut pres tout ce que j ai a donne. Juste avant que je passe la porte de ce cybercafe, un homme m interpelle:

-Qu est ce que tu fait?
-Je viens voir ton pays.
-Merci.

Allez la ballade continue, une grande biz a tous

Matthieu

PS: En lien un sourire webcame. Et oui, j ai bien un reste de dejeuner entre les dents.

lundi 15 février 2010

Half time - Shengjin

Salut a tous!

Petit retard de nouvelle. Petit break dans la ballade.
Voila maintenant plus d un mois que je suis comme qui dirait en hibernation.

J avais comme au montenegro, repere sur la carte un coin paume sur la cote. Ce que je cherchait, c etait du repos. Du calme. Plusieurs critere en tete: en bord de mer, un coin ou je puisse etre seul. Ou le soleil se leve et se couche dans la mer. Un coin habriter si possible.
En m y rendant, j ai d abord trouver une baie qui a surement due etre tres belle. Aujourd hui, on y accede a l ombre d hotel multicolore en construction. Puis un port industriel, une raffinerie abandonnee, une base militaire americano-albanaise.
Au milieu de tout ca, la population locale vit dans de petits immeuble en parpin gris, autour d une unique ruelle aux allures de souk marocains.
Bienvenue a Shengjin.

Vers le nord, une route de terre s enfonce dans une pinede en bord de mer. A mesure d avancer, le murmure de la ville cesse. Les chantiers disparaissent peu a peu, la foret se fait plus dense. Quelques chiens errants gettent a quelques metres de la route. Ils n aboient pas.
Puis apres 20mn de marche, en contrebas sur la gauche, se trouve une petite crique, et ma maison.

Je me suis installe dans un camp militaire abandonne, vestige du regime communiste en place il y a 20ans. Dans la seule piece ou le toit etait en place, j ai installe une chemine, un lit sureleve (ma maison prend un peu l eau...) quelques etagere et une reserve de bois a l abri de la pluie.
La mer, chariant tout un tas de bordel rejete par l Homme, m offrit chaise, table et plastique pour habille fenetre et porte. Sur celui couvrant la porte, j inscrirai au marqueur "half time". Ma retraite peut commencer.

Des la premiere matine, j aurai de la visite. Un homme, d une soixantaine d annee, petit, quelques cheuveux gris frises remontes en arriere par une paire de lunette de soleil, arpentait ma plage. Lefter ne travaillait pas ce jour la. Aucun bateau au port ne reclamait ses talents d electriciens, il en profite donc pour venir mettre quelques lignes a l eau. Je l interpelle en Anglais, il me repond en Italien. Qu importe la langue, le cours de peche commence!

Ici, pas de canne a peche. Une ligne d une trentaine de metre est leste par une petite ancre a plomb. On fait tournoyer le tout comme une fronde pour le mettre a l eau, ce qui m a valut dans les premiers temps quelques moqueries de la part des autre pecheur, quand ma ligne finissait peniblement a 2metre, le reste venant s enroule autour de mon cou. Mais apres un mois de pratique, je me defends plutot pas mal.
Et si un poisson a le malheur de mordre, le pauvre sera eviscere et mis sur le feu dans la minute. Ici, on aime le poisson frais.

Alors voila, tres vite, j ai trouve ce que j avais perdu depuis quelques mois: un quotidien. Je me reveil tous les matins avant le soleil, lance un grand feu pour le cafe, avant d aller changer les appats de mes lignes. Si un poissons s invite a la fete, je l etriperai avant le petit dej, sinon celui ci remonte (je parle du petit dej). Puis je vais chercher du bois et des appats dans les environs. La partie active de ma journee se termine au dejeuner, je passe alors le plus clair de mon temps a entretenir le feu, surveiller ma peche, lire ou gratouiller mon ukulele. Et tous les 4-5jours, je vais chercher eaux, bougies et vivre a la ville.

Ainsi, je passe le plus clair de mon temps tout seul, meme les visite se sont fait de plus en plus reguliere a mesure que les gens realisaient ma presence. Il y a Lefter bien sur, mon prof de peche, et mon bienfaiteur. Il m apporte poisson, vin ou autre delice plus que regulierement, et vient tout les week end pecher et picniquer avec sa femme et son fils. Il y a aussi Nina, le chasseur a la retraite, qui guette les poissons depuis les hauteur et vient me dire ou mettre mes lignes. Besi et Gendi, eux, viennent arrondir leur fin de mois en recuperant et revendant la ferraille rejete par la mer. Ils s arretent donc pour le cafe. Un groupe d enfant du village vient parfois apres l ecole voir celui qu ils ont baptise "Robinson", pour une partie de foot ou un cours de ukulele. Et il y a bien sur les incontournables force de l ordre.

Dans les premiers jours de mon installation, l un d eux, en patrouille dans le coin, fut un peu trouble de me trouve la.Tant et si bien qu il appela le chef de la police de l immigration. Celui ci debarqua 10mn plus tard escorte de 3 autres bleus. Parlant anglais, il m explique assez sechement que j avais 2h pour faire mes affaires et partir. C est un terrain militaire, et de surcroit peu sur pour moi.
Je me braque un peu, lui explique ma ballade, lui dit que je ne fait rien de mal. Rien y fait.
Puis un de ses bleus, qui tournait depuis un moment autour de mon ukulele me le tend, en me reclamant une chanson. En consequence, je leur joue "should I stay or should I go", ce qui les fait marrer.
L officier change un peu de ton. Il m entraine a l ecart pour une marche sur la plage, avant de me lancer d un air paternel: "Raoul (on ne reprend pas un officier en uniforme), why do you do this trip?".
Si James cameron avait filme la scene, il y aurait eu des grandes nappes de violons derrieres, avec peut etre un hautbois chantant une melodie d espoir. Ce bonhomme voulait vibrer, alors j ai laisse tombe le mot de ballade. Je lui ai parle de reve, d aventure, de liberte.
L air soucieux, il a finalement appele le chef de la police de shengjin qui se deplace lui aussi. Finalemt, 9 flics rien que pour moi, se sont livre a une petite fouille de rigueur de mes affaires avant de me laisser penard. ouf.

Alors voila. Un mois comme j en avais encore jamais passe. De grande deconnection. A laisse filer les jours sans les retenir. Pas de tele, de cuisiniere, juste un grand feu pour accompagner mes soiree. Pas de montre, pas meme une cloche sonnant au loin. Pas de miroir non plus, rien pour refleter ma gueule, si ce n est le visage de mes visiteurs. Et si en commencant j apprehendais la solitude, je me serai finalement rendu compte qu on se sent seul que quand il y a du monde autour.
Mais bientot la ballade va reprendre, encore peut etre 1 ou 2 semaines. Puis direction Durres, Tirana vers le sud, avant un dernier crochet au nord pour aller voir le Kosovo. Le reste de la route reste encore a ecrire, car comme c est marque sur la porte de ma maison, ceci n est qu une bien belle mi temps.

Des grands bizous a tous, tous vos messages m ont offert une grande barre de bonheur. Vous me manquez.

Matthieu